Lexique
Les Académies ont pour mission de produire le « dire académique », et pour ce-dire, il faut les mots, ceux-ci devant avoir la même signification pour tous, claire et précise. C’est dans ce but que l’Académie Nationale de Chirurgie Dentaire maintient une commission de terminologie statutaire. (voir l’article du CDF MAG 1948-1949 du 9-16 septembre 2021).
Les objectifs d’un vocabulaire académique sont bien plus larges que ceux du vocabulaire normalisé de l’ISO 1942, dont les utilisateurs ont pour objet premier l’étude des dispositifs médicaux spécifiques à la médecine bucco-dentaire. Le système de concepts d’un vocabulaire académique choisira sans doute un système d’organisation de concepts différents de celui de l’ISO TC106, mais la méthode reste la même, l’approche conceptuelle et systématique est incontournable. Un vocabulaire académique devra sans doute aborder la médecine bucco-dentaire par l’organisation de ses disciplines pour produire une terminologie cohérente. Cette organisation de concepts doit intégrer également les données actuelles de la science, lesquelles peuvent aboutir à des modifications de désignation, des définitions plus précises, ou la création de concepts innovants. De plus, des définitions qui semblent acquises nécessitent en réalité une profonde réflexion terminologique L’ensemble de notre terminologie doit être révisée à la lumière des connaissances nouvelles, des innovations thérapeutiques, et des acceptations modernes que recouvrent certains termes, parfois fort différentes de celles des décennies précédentes.
La terminologie est un travail méthodique et perpétuel, dont les implications ne sont pas uniquement scientifiques, mais aussi politiques ou juridiques. Une profonde réflexion sur le vocabulaire académique en médecine bucco-dentaire doit être engagée par l’ensemble des acteurs professionnels et universitaires. L’Académie Nationale de Chirurgie Dentaire a pour vocation de mener cette réflexion, selon les données acquises de la science terminologique, avec toute l’aide et les extraordinaires ressources scientifiques de ses éminents membres. Le travail de la commission terminologie de l’ANCD commencera par définir les concepts principaux, point de départ de classement de ce lexique. A partir de là, quelques membres de la commission terminologie, formant le comité de rédaction du dictionnaire-lexique, construirons une arborescence de concepts en collaboration, en réflexion avec tous les membres de la commission terminologie afin de réaliser un dictionnaire-lexique.
La notion de concept
Le travail du terminologue consiste à aborder une science, et donc des notions scientifiques, et non pas une langue dans son ensemble. Il est admis, pour le terminologue, que l’ensemble des connaissances scientifiques nécessaires à la compréhension des notions spécifiques à son domaine, sont acquises par l’utilisateur de son vocabulaire ; il ne s’attardera donc pas sur des unités de connaissance déjà définies par d’autres domaines scientifiques (comme le mordançage par exemple).
Mais surtout, le terminologue, pour s’assurer que son vocabulaire englobe l’ensemble des idées, des notions nécessaires à la compréhension de sa science, se doit d’appréhender son domaine de façon rationnelle, méthodologique, ce que ne permet pas l’approche alphabétique. Et ce ne sont plus des termes que traite le terminologue, mais des concepts, des unités de connaissance, qui s’organisent en relations associatives, génériques ou partitives.
Dans l’exemple de la terminologie de l’implant dentaire, le concept de corps d’implant de dentaire : partie ou composant individuel primaire d’un implant dentaire conçu pour rester dans les tissus » (ISO 1942), a été forgé de toutes pièces pour les besoins des utilisateurs de ce langage spécifique, le terme n’est venu qu’ensuite. Et ce concept constituait une partie d’un autre concept, plus englobant : l’implant dentaire, lequel se définit comme un « dispositif spécialement conçu pour être placé par voie chirurgicale à l’intérieur, au travers ou à la surface d’un os du complexe crânio-facial, dont le but principal est de soutenir une prothèse dentaire ou de résister à son déplacement » (ISO 1942-2009).
Les entrées terminologiques sont des concepts auxquels on attribue une définition et une ou plusieurs désignations. Ici, le mot désignation englobe plusieurs options qui vont du terme dans une langue spécifique, au logogramme ou au code numérique ou alphanumérique. Les concepts se définissent par leurs caractéristiques, certaines sont communes à plusieurs concepts, d’autres sont distinctives. Le terminologue utilise des concepts super-ordonnés pour définir des concepts subordonnés, auxquels ils ajoutent des caractéristiques distinctives.
Par exemple : la prothèse dentaire est un concept générique généralement défini comme un dispositif conçu et réalisé pour remplacer une dent manquante, la prothèse dentaire fixée est un concept spécifique défini comme une prothèse dentaire (générique) fixée (spécifique) à des dents naturelles ou des implants dentaires, quant à la prothèse dentaire amovible, c’est une prothèse dentaire (générique) devant être déposée par le patient (spécifique) afin d’en assurer l’entretien.
Les systèmes de concepts
Le terminologue aurait pu choisir une autre organisation des concepts que celui pris dans l’exemple précédent, il aurait pu, par exemple, décider de répartir les prothèses selon les matériaux qui les composent, les prothèses métalliques auraient été un générique des prothèses fixées en alliage et des prothèses amovible à châssis métallique.
Le choix du système de concepts, des concepts super-ordonnés et subordonnés, doit être éclairé par les connaissances scientifiques du domaine, il reflète souvent l’organisation académique de la science considérée, les différentes disciplines d’une faculté. Ici, le concept générique englobant, est la médecine bucco-dentaire, définie comme la « science visant à prévenir, diagnostiquer et traiter les maladies, malformations et lésions des dents, de la bouche et des maxillaires ainsi qu’à remplacer les dents manquantes et les tissus associés et à promouvoir la santé bucco-dentaire » (ISO 1942-2009).
Une relation associative lie la médecine bucco-dentaire au chirurgien-dentiste : « personne qui, ayant été régulièrement admise dans un établissement d’enseignement de la médecine bucco-dentaire dûment reconnu dans le pays où elle se trouve, a suivi avec succès le programme prescrit d’études dentaires ou stomatologiques et a ainsi acquis la qualification nécessaire pour être légalement autorisée à exercer la médecine bucco-dentaire selon son propre jugement » (ISO 1942-2009), tandis qu’une relation partitive lie la médecine bucco-dentaire à la cariologie : « branche de la médecine bucco-dentaire qui a trait à l’étiologie et à la prévention des caries dentaires » (ISO 1942-2009).
Une arborescence des concepts dépend des objectifs du recueil de vocabulaire, pour le TC 106, le but est de produire des normes sur les produits utilisés en médecine bucco-dentaire. L’arborescence choisie pour la prochaine révision de la norme ISO 1942 reflètera donc les domaines d’activités des sous-commission qui composent le TC106, en regroupant les produits pour procédures directes, l’orthodontie, les produits pour procédures indirectes, les concepts généraux spécifiques au domaine (comme la définition du chirurgien-dentiste) et ainsi de suite pour les autres sous-commissions du TC106.